Devenir le laboratoire de R&D du monde

Les grands esprits se rencontrent

Devenir le laboratoire de R&D du monde

Une culture administrative rigide, des structures universitaires sclérosées et des réformes trop lentes empêchent la France de vraiment tirer profit de l’excellence de ses chercheurs.

Alors que le gouvernement a débloqué 100 millions d’euros pour attirer des chercheurs étrangers, le Sénat a validé une baisse de 630 millions du budget de l’enseignement supérieur et de la recherche en France. Pourtant, la France dispose d’un atout trop peu valorisé : une recherche d’excellence, mondialement reconnue, incarnée par ses grandes écoles et ses institutions scientifiques, et en outre moins coûteuse que celle des Etats-Unis ou du Royaume-Uni. Malgré ce positionnement stratégique unique et quelques avancées sous le premier quinquennat Macron, la France peine à jouer un rôle moteur dans l’économie mondiale de la connaissance.

Pourtant, la France dispose d’un atout trop peu valorise: une recherche d’excellence, mondialement reconnue, incarnée par ses grandes écoles et ses institutions scientifiques, et en outre moins coûteuse que celle des Etats-Unis ou du Royaume-Uni. Malgré ce positionnement stratégique unique et quelques avancées sous le premier quinquennat Macron, la France peine à jouer un rôle moteur dans l’économie mondiale de la connaissance.

Chaque année, le pays forme des chercheurs et ingénieurs d’exception. Mais leur potentiel reste sous-exploité. En cause: une culture administrative rigide. des structures universitaires sclérosées, des réformes trop lentes et une recherche mal intégrée aux entreprises.

Résultat, près de 25% des chercheurs formés en France s’expatrient, attirés par des écosystèmes plus agiles et mieux financés.

Malgré des centres de recherche et des établissements d’élite, la France peine à transformer son excellence scientifique en puissance d’innovation durable. Les initiatives existent mais restent isolées, tandis que les outils d’évaluation, de financement ou de gouvernance sont souvent déconnectés des enjeux de terrain. Là où le Royaume-Uni, la Suisse, la Chine on encore Singapour déploient des stratégies offensives pour capter les meilleurs talents, notre lenteur fragilise notre souveraineté scientifique.

Une alternative crédible s’impose: faire de la France un centre mondial de R&D fondé sur un modèle plus agile, sobre et mieux connecté aux entreprises.

Notre recherche est reconnue pour son efficience, elle produit de l’excellence malgré des moyens limités. Il y a là une opportunité à la fois géopolitique et économique pour améliorer le maillage entre chercheurs et entreprises don-nantaux premiers plus de moyens et aux seconds une plus grande compétitivité.

D’autant que certaines puissances historiques, comme les Etats-Unis sous l’ère de Donald Trump, ont envoyé des signaux de défiance à l’égard du monde scientifique, affaiblissant leur capacité d’attraction. Ce retrait partiel a laissé un vide idéologique et pratique que la France, pays des Lumières et de la pensée critique. peut légitimement occuper.

L’autonomie des chercheurs est un levier de souveraineté aussi crucial que l’accès aux ressources naturelles. Pour preserver sa capacité d’innovation, la France doit garantir aux chercheurs une autonomie intellectuelle, opera tionnelle et financière, en sécurisant les dispositifs existants comme le crédit d’impôt recherche (CIR) ou d’innovation (CII).

Leur instabilité décourage pourtant de nombreux projets, comme en 2025, où la suppression du CIR « jeune docteur » a conduit à la perte de plus de 3.000 emplois dans la Deeptech, souvent par manque de visibilité sur ces dispositifs.

Face à la relance scientifique des grandes puissances, la France doit renforcer la lisibilité et la pérennité de son cadre fiscal, faciliter l’accès aux financements privés, encourager les parcours hybrides entre recherche er entrepreneuriat, et créer de vraies incitations à la réinstallation des chercheurs français expatriés (chaires attractives, primes d’impatriation, visas facilités). L’autonomie ne se décrète das. elle se construit par la confiance, la stabilité et des movens adaptés.

Devenir le laboratoire du monde, ce n’est pas un rêve technocratique: c’est un projet concret, accessible, à condition d’en repenser les fondations. Avec ses talents, ses écoles. sa tradition humaniste et ses territoires d’innovation la France peut encore reprendre l’initiative, à condition d’oser sortir des cadres.

Jean-Gérard Pailloncy est chercheur et fondateur de la structure coopérative Hors Norme.

Source: Les Echos